(R.I.) Voici une lettre ouverte du directeur général de Les Usagers de la santé du Québec, Pierre Blain :

 

«Mettre les comités des usagers sous tutelle, c’est faire taire la voix citoyenne des usagers du réseau de la santé et des services sociaux. Le nouveau cadre sur les comités imposé par Santé Québec fait désormais passer leurs décisions et leur budget par le filtre d’une structure centralisée. Or ces comités sont censés être une voix autonome des patients, un contre-pouvoir citoyen dans un réseau complexe et souvent obscur. En allant plus loin que ce que la loi impose et que ce qui a été promis, on affaiblit une des rares instances capables, sur le terrain, de défendre les droits des usagers.

 

Les comités des usagers existent pour rappeler que derrière chaque numéro de dossier, il y a une personne. Leur mandat est de veiller au respect des droits, d’entendre les insatisfactions, de signaler les dérapages. Pour jouer ce rôle, ils doivent pouvoir parler franchement, choisir leurs priorités et poser des gestes sans craindre que chaque intervention dérange la structure dont ils dépendent.

 

Jusqu’ici, leur autonomie était encadrée, mais réelle. Dans l’ancien cadre, les comités disposaient d’un budget propre qu’ils pouvaient affecter à leurs priorités : accompagner des usagers, documenter les problèmes, organiser des activités d’information. L’établissement devait éviter de s’ingérer dans leur fonctionnement. C’est cette distance minimale avec la machine administrative qui permettait aux comités de rester des gardiens, pas des figurants.

 

Le nouveau cadre change cette relation. En plaçant le budget et les décisions des comités sous la supervision d’une structure centralisée, en multipliant les paliers de validation et les autorisations préalables, on transforme une autonomie relative en tutelle. Ce n’est plus une simple coordination : c’est un pouvoir de filtrer, de ralentir, voire de bloquer des initiatives qui déplairaient à la direction ou à la ligne nationale.

 

Rien, dans la nouvelle loi, n’impose un degré de centralisation aussi serré. Et les engagements publics allaient dans la direction inverse : des comités forts, présents dans la gouvernance, non «asphyxiés par la machine». Entre le discours et le cadre qui s’applique, l’écart est important. On ne peut pas soutenir, d’une main, l’importance de la parole des usagers et, de l’autre, installer un dispositif qui réduit la marge de manœuvre de ceux qui sont responsables de la porter.

 

Les conséquences sont prévisibles. Un comité, qui sait que ses activités, ses communications ou même le choix de ses dossiers sensibles dépendent d’une chaîne d’autorisations, hésitera davantage à intervenir. Des enjeux très concrets risquent d’être étouffés au nom d’une «cohérence» décidée ailleurs. Sous tutelle, un comité n’est plus un garde-fou, il devient un relais.

 

Il est encore temps de corriger le tir avant que trop de mal ne soit fait aux comités et, surtout, aux usagers qu’ils représentent. Nous proposons la mise sur pied, dans les plus brefs délais, d’un groupe de travail réunissant des représentants de comités, d’usagers, d’établissements et des autorités concernées, responsable de revoir ce cadre. L’objectif est simple : garantir, noir sur blanc, une autonomie réelle des comités, sur le plan des décisions comme sur le plan budgétaire, afin que la réforme du réseau ne se traduise pas par le silence de celles et ceux qui en vivent chaque jour les conséquences.»

-/-/-/-/-/-

 

(R.I.) : lettre ouverte que nous avons reprise intégralement.