(LCP) C'était au tour de la députée Catherine Dorion de Québec solidaire de faire face à la réalité des interpellations du vendredi matin. C'est le forum qu'elle avait choisi pour traiter de ce qu'elle voit comme : « l’incapacité » du gouvernement d’agir pour la préservation de la qualité de l’information au Québec.

 

« J'arrive avec une interpellation, la ministre parle d'autre chose, les députés du gouvernement parlent d'autre chose. Tout le monde arrive comme s'il avait préparé leur exposé oral sur la crise des médias, et chacun après l'autre y va de son exposé oral avec sa vie personnelle », s'est impatientée la députée de Taschereau.

 

« Comment ça se fait que, dans un truc qui est organisé comme ça, qui coûte cher, notre temps, l'enceinte ici, la place, le Parlement, comment ça se fait qu'on ne peut pas avoir ne serait-ce qu'un semblant de réponse », s'est-elle plaint.

 

« Comment ça que le plan d'aide aux médias va financer des salaires de chroniqueurs plutôt que de tout aller à l'information? Il me semble que c'est simple. C'est simple. C'est ça, la question, c'est de ça dont on devrait parler. On a des gens ici qui connaissent les médias. Vous n'avez pas besoin d'avoir toutes des choses préparées pour être sûrs de ce que vous dites, on est capables de jaser », s'est-elle désolée alors que comme c'est presque toujours le cas, les intervenants à l'interpellation lisaient des textes préparés à l'avance.

 

Géants du web

Comme la députée de Québec solidaire ne disposait que de 30 minutes sur 120 pour défendre son point de vue, la discussion a vite changé de cap. À son tour, le député libéral Jean Rousselle a ressorti les propositions appuyées par son caucus en matière d'information.

 

« L'application de la TVQ sur Netflix, c'est 62 millions $. L'application de la TPS, si on l'applique, la TPS, parce que le fédéral ne le fait pas. Donc, on n'est pas obligé d'attendre le fédéral. On est capable de le faire nous-mêmes. Je pense qu'on est assez grands. Bien, ça serait 38,8 millions $. Aie! C'est de l'argent, ça. Puis l'imposition sur la taxe du GAFAM, sur 3 % sur Facebook, un exemple, 20 millions $. Savez-vous que... On est capable d'aller chercher 120 millions $ », évalue le député de Vimont.

 

En la matière, sa collègue Méganne Perry Mélançon du Parti québécois trouve, elle aussi, que le gouvernement Legault n'en fait pas assez. « Nos médias d'information peinent à se financer et à se prémunir d'un nombre suffisant de ressources humaines, leur modèle de financement ayant été heurté de plein fouet par une fuite majeure de leurs revenus publicitaires au profit des géants du numérique, les GAFAM. Ça signifie moins de ressources dans nos salles de presse, moins de recherchistes, moins de journalistes. » Et les régions en sont affectées.

 

Le Québec ne pourra taxer les GAFAM seul, réplique la ministre de la Culture et des Communications, Nathalie Roy. « Il faut travailler de concert avec l'OCDE, parce qu'il faut que nous soyons unis pour les mater, ces géants de l'informatique que sont les GAFAM », dit-elle. Même l'ex-ministre libéral des Finances, Carlos Leitão, était d’accord avec cette idée, poursuit-elle.

 

Commission

Le député Louis Lemieux de la Coalition avenir Québec rappelle que la commission parlementaire sur les médias qui a tenu des auditions il y a maintenant presque trois mois déposera des conclusions. « À la faveur du rapport, c'est certain que le gouvernement va avoir plein de leviers potentiels et possibles qu'on va pouvoir considérer et mettre de l'avant », assure l'ex-journaliste.

 

« On agissait dans l'urgence avec les médias écrits parce qu'on avait six quotidiens régionaux qui étaient en train de fermer, et donc il fallait aller vite et faire bien, et c'est ce que je pense qu'on a fait. Mais, pour la radio et la télé, je ne sais pas quelle forme ça va prendre, mais, avec tout ce qu'on a entendu en commission, et il y avait quand même assez de recoupements pour penser qu'il y avait quelque chose à faire, on va faire quelque chose », assure-t-il.

 

Fausses nouvelles

Pour en revenir au sujet de Catherine Dorion, « la députée de Taschereau, dans son interpellation, nous parle de qualité et de qualité d'information, nous parlent de chroniques, de chroniqueurs. Moi, je vous parlerais de la liberté d'expression aussi », soumet la ministre. Concernant les propos diffamatoires, haineux et les « fake news ». « Je suis d'accord avec elle, ça, il faut s'y attaquer. Ça, les fausses nouvelles, ce qui fait en sorte que les citoyens ne puissent pas se faire une tête parce qu'on les mêle plus que d'autre chose... Je pense que nous avons tous collectivement une responsabilité, autant les parents avec les enfants », croit la ministre.

 

Le ministère de l’Éducation a aussi un rôle à jouer. « On est rendu là », pense Nathalie Roy. « Il faut informer nos enfants à l'école, il faut leur expliquer ce que sont ces appareils, que ce n'est pas anodin, que ça peut être un outil extraordinaire, des sources d'information magnifiques, de connaissances qui dépassent notre entendement, mais aussi de grandes noirceurs, de grands troubles, de méchanceté, de haine, de propos diffamants et de faussetés, et qu'il faut faire la part des choses». Le ministre de l’Éducation y travaille.

 

En conclusion, l’initiatrice de l’interpellation, Catherine Dorion, a précisé qu’elle n’avait rien contre les chroniqueurs. « Les chroniqueurs, je ne leur veux pas de mal. Et les chroniqueurs vont continuer à être payés puisque les chroniqueurs font cliquer. Ils n'ont pas besoin d'argent public. Et là, que la ministre me pose cette question-là comme si je disais qu'ils ne devaient pas être payés alors que, moi, ce que je dis, c'est : Attention. Là où on met des fonds publics, il faut que ce soit pour le bien commun », dit-elle.

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