(LCP) L'atmosphère était grave, hier après-midi, à l'occasion du débat sur la motion de la députée Jennifer Maccarone qui réclame la tenue de deux jours de consultations en janvier concernant les services offerts aux personnes autistes, notamment lorsqu'elles atteignent l'âge de la majorité.

 

Le vote aura lieu ce matin après la période de questions et le gouvernement s'apprête à la rejeter. En tout cas, c'est l'impression qu'a eue la députée libérale à l'issue du débat.

 

C'est le coeur lourd que la députée de Westmount-Saint-Louis a fait part de sa propre expérience de mère de Samuel et Bianca, deux enfants autistes. « C'est une personne sur 64 ici, au Québec », qui vit cette condition. « Ça représente à peu près 150 000 personnes, et c'est en croissance. Il faut agir », a-t-elle d'abord expliqué, avant de livrer des témoignages sur ses propres enfants, illustrant les difficultés qu'elle a vécues comme mère.

 

« Je n'aurais pas pu imaginer ma vie autrement, mais je ne pouvais pas imaginer comment ça aurait pu être difficile de voir ton enfant souffrir, de voir ton enfant qui s'automutile, de voir ton enfant avec qui tu ne peux pas communiquer, que tu ne peux pas toucher, ça, c'est difficile », a-t-elle dit. « J'ai dû lâcher mon emploi pour rester à la maison, pour prendre soin de mes enfants. Il n'y avait pas des services pour moi puis mes enfants, mes enfants ont 16 et 18. Alors, au moment où ils ont eu leur diagnostic, il y avait beaucoup moins de diagnostics, et j'étais isolée », a-t-elle raconté.

 

La députée s'inquiète pour le futur. « Je pense énormément à l'avenir de mes enfants, qu'est-ce qui arrive après 21 ans. Comme j'ai dit, j'ai de la chance, mon fils, il a eu un accès au cégep. Aucune idée qu'est-ce qui attend pour ma fille. Je me suis fait demander souvent, souvent, souvent : vous espérez quoi pour vos enfants? Bien, savez-vous quoi? J'espère juste qu'ils vont être heureux. »

 

Le gouvernement agit

Le ministre Lionel Carmant a ensuite pris la parole. « J'étais neurologue pour enfants et je me suis occupé pendant des années des enfants qui avaient les formes les plus sévères d'épilepsie. On m'envoyait des patients du Québec, des États-Unis, d'un peu partout, c'est moi qui les voyais, et parmi ces formes très sévères d'épilepsie, il y avait un fort pourcentage qui développait un trouble du spectre de l'autisme. Puis même si j'étais capable de les guérir de leur épilepsie, plusieurs demeuraient avec les problèmes au niveau du neurodéveloppement. »

 

Puis, il a fait part des actions gouvernementales en matière d'autisme. « Agir tôt a été un engagement-phare de notre gouvernement. Nous y avons investi 48 millions $ dès 2019‑2020, et ces investissements atteindront progressivement 88 millions $ d'ici 2023‑2024. Il est certain qu'une telle approche profitera à l'ensemble des personnes ayant un TSA et à leur famille », assure-t-il.

 

La « maison du peuple »

La députée « amène ça jusque dans une motion du mercredi. On parle quand même de l'artillerie lourde de la démocratie. C'est-à-dire que, si ça cet après-midi, ça ne donne rien, quel message on envoie aux gens au sujet de la maison du peuple? » a interrogé le député Sol Zanetti de Québec solidaire.

 

« Ça veut dire : écris à ton député... cause toujours. Ça veut dire : fais une pétition... cause toujours. Ça veut dire : fais-toi élire... cause toujours. Ça veut dire : propose un mandat d'initiative... cause toujours. Ça veut dire : viens-t'en faire une motion du mercredi... la réalité, c'est que tu n'en as pas de pouvoir », se désole-t-il. De son côté, le député Sylvain Gaudreault du Parti québécois a appuyé la motion en demandant d'ajouter à la consultation des intervenants régionaux.

 

Main tendue

La ministre Marguerite Blais, grand-mère d'un garçon autiste n'avait pas prévu prendre la parole, mais elle l'a fait pour tendre la main à sa collègue de Westmount-Saint-Louis. « Alors, ma main est tendue. J'espère que vous saurez la prendre parce que, si vous ne la prenez pas, j'irai vous chercher parce que j'ai besoin de vous pour réussir à faire une belle politique nationale des proches aidants, qui va au-delà de la partisanerie politique », a-t-elle dit. « Je reconnais l'invitation, mais ce n'est pas avec moi que je veux que vous intervenir, c'est avec les gens du terrain, c'est avez les gens de la communauté. Je ne suis qu'une voix », a répondu la députée Maccarone.

 

L'élue Marilyne Picard de la Coalition avenir Québec a aussi fait part de son expérience de mère de Dylan, 7 ans, lourdement handicapée. « Dans mon cellulaire, ici, j'ai une application qui me permet de voir ma petite fille dans son lit quand je veux et grâce à la magie d'Internet. Je le fais plusieurs fois par jour. Je le fais parce qu'évidemment je l'aime, parce que je suis inquiète quand je ne suis pas là. Je le fais aussi parce que c'est bien que je me rappelle pourquoi je suis à Québec, loin d'elle. Chaque lundi soir, quand je pars pour Québec pour venir représenter mes citoyens à l'Assemblée nationale, je ne sais pas si je vais revoir ma petite fille le jeudi. »

 

Une leçon

La députée Maccarone n'a pu s'empêcher d'étaler sa déception à l'égard de la CAQ, lors de sa réplique. « Quand vous étiez à l'opposition, vous avez appuyé cette motion, maintenant que vous êtes au gouvernement, vous refusez. Alors, la seule chose qui passe en ma tête, c'est «shame on you», parce que moi, j'ai l'impression que vous êtes en train de le refuser parce que maintenant vous êtes au gouvernement puis vous voulez passer une leçon. C'est ça que j'entends. »

 

Elle a été déçue de constater que certains orateurs avaient attaqué le précédent gouvernement libéral. « Je parle de la transition de l'âge mineur à l'âge majeur, puis je comprends qu'on est en train d'étudier la question, on est en train de mettre plein d'affaires ensemble. Pas une fois, j'ai parlé de l'argent. Moi, j'ai parlé de la rupture de services. Pas une fois, je n'ai pas voulu mettre ça au niveau politique, alors je suis déçue que c'est un peu la réponse que j'ai eue, que nous n'avons pas assez fait dans le passé. Je n'ai pas abordé ce sujet-là, j'ai même dit, ce n'est pas un reproche, c'est parce que je veux travailler ensemble pour améliorer. » Enfin, « je suis déçue et insultée », a conclu la députée.

-30-